Une petite annonce dans la rubrique rencontre du chasseur français peut-elle conduire à trouver l’âme sœur? C’est à 46 ans le pari de Paul un agriculteur désireux de fonder un foyer dans sa ferme isolée du Cantal où cohabitent deux oncles octogénaires et sa propre sœur Nicole tous célibataires endurcis. Annette d’Armentières a pris le risque à 37 ans de lui téléphoner et de le rencontrer à mi-chemin dans une cafétéria, pour se relever d’une dépression engendrée par la violence relationnelle de son concubin alcoolique désormais incarcéré. Lui a parlé plus que de coutume comme pour conjurer la crainte de l’échec, elle a caché ses blessures, regardé ses mains inconnues solides et prévenantes sans pulsions malvenues, espéré trouver la guérison en quittant le Nord avec son fils de 11 ans et tenter crânement l’expérience d’une vie nouvelle. Mais la Nicole n’est pas disposée à laisser entrer une étrangère au sérail qui entame son leadership et les oncles goguenards forment un obstacle à son accueil. Annette parviendra-telle a déjouer l’hostilité tacite des anciens de la famille et à s’implanter auprès de Paul seul à lui offrir une place sur le plan affectif?
Marie-Hélène Lafon déroule le fil d’une rencontre entre deux espérances, celle de rompre avec l’atavisme du célibat pour lui, celle de croire à la possibilité d’une maison de douceur pour elle. Paul et Annette ont pour accéder à leurs désirs, quelque chose à donner et quelque chose à recevoir. Réinventer les gestes du corps n’est alors pas une barrière insurmontable. L’un est victime du déclin de la communauté rurale qui n’offre plus de perspectives de mariage, l’autre de l’échec d’une liaison dans son milieu d’appartenance, mais l’intimité et la symbiose peuvent naître parfois de rencontres aux formes inédites qui remisent au second plan la question de l’attirance réciproque. Le passage à la concrétisation d’une annonce est le gage d’une volonté commune de se dépêtrer du passé en tentant l’expérience du partage d’une vie étrangère. La pierre d’achoppement provient de l’entourage gardien de l’orthodoxie communautaire.
L’auteure dépeint avec délicatesse deux êtres qui s’apprivoisent mutuellement sur fond de préjugés et de rupture avec la tradition rurale. Les conflits de territoire, la cuisine, l’étable ou le potager sont des symboles identitaires dont seule l’empathie parvient à triompher. Éric fils d’Annette fera son nid auprès de Lola la chienne accorte de la ferme pour gagner en aplomb et trouver sa voie. Dans le creuset d’un foyer reconstitué, des tranches de vie se déploient parfaitement trempées dans la réalité.