Si le buveur de vin participe de la prospérité du vigneron, le sniffeur de cocaïne conforte malgré lui le narcotrafic, étendard de la grande criminalité mondiale. L’illégalité du trafic engendre des profits colossaux pour les fabricants et les distributeurs en ne procurant jamais qu’un revenu de survie au planteur de cocaïer colombien. En passant par l’Espagne, le produit s’introduit en France dans les cabinets branchés et les lieux festifs avec l’aide de dealers souvent issus des cités. En Amérique du Sud, le grand banditisme allié aux guérillas, aux groupes para-militaires, aux représentants politiques corrompus génère une criminalité record. En Colombie ou au Mexique, fuir la misère et le danger devient alors l’enjeu des migrations vers un eldorado très éloigné, les États-Unis.
Menacées à dix huit et dix sept ans par des individus en armes dans un bidonville Colombien, Norma et Sonia partent en expédition périlleuse jusqu’à la frontière Étasunienne distante de cinq mille kilomètres. « Avant la chute » décrit le chemin de croix de ces sœurs migrantes, infesté de détrousseurs , d’assassins, de kidnappeurs qui nourrissent les filières de l’esclavagisme sexuel et identique au calvaire vécu par les réfugiés aux portes de l’Europe, en Afrique du Nord, retracé au cinéma par Boris Lojkine http://www.cine-fil.com/hope/.
Le Sénateur Mexicain Fernando Uribal membre intéressé de la commission anti-drogue et riche propriétaire foncier véreux régente la Ciudad Juarez en s’accommodant du monopole des cartels, mais son pouvoir produit d’une combinaison précaire est menacé par l’intensification de la guerre entre l’État régalien et les barons de la drogue.
Enfant d’une cité de la banlieue parisienne mais véritable génie scolaire, le petit Nadir voit sa sécurité familiale inquiétée par les dérives délinquantes de ses deux grands frères et son quartier risquer l’embrasement tant la violence conjuguant les trafics et les postures haineuses s’accumulent.
Analyste hors pair des effets d’impact de la domination sociale, sa violence depuis le nazisme (l’origine de la violence), la mondialisation financière (la fortune de Sila) ou criminelle, Fabrice Humbert détaille des trajectoires individuelles bravant avec courage la « chute » mortelle face au dérèglement des structures d’intégration dans certaines cités, la propagation de la criminalité en Colombie, au Mexique ou au contraire se vautrant dans l’ignominie absolue devant la menace de purification du terrain politique.
Avant la chute se range au rayon des ouvrages précieux qui stimulent notre conscience en dévoilant des pans méconnus du monde social, ici les effets quotidiens dramatiques, lointains ou proches du trafic mondialisé de la poudre blanche. Son auteur prend part avec éloquence au courant littéraire indispensable, étranger au nombrilisme en vogue, fervent de l’ étalage d’une psychologie appauvrie. Son romanesque épouse au contraire les enjeux du monde contemporain en éclairant les recoins de la sombre réalité à défaut d’espérer la changer conscient modeste des limites de l’utopie Sartrienne. Son récit choral est néanmoins inappréciable qui renvoie chacun à ses responsabilités, politiques absents des luttes vitales, citoyens trop absorbés peut-être par le nouvel ordre artistique censé supplanter la littérature, les séries. Elles allient il est vrai deux qualités majeures, l’habileté esthétique et le suspense capteur d’émotions, offrant un agrément particulier sans l’effort d’intériorité que le livre demande.